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    | En crabeDe l’auteur allemand Günter Grass
 samedi 1er février 2003 par France-Isabelle LANGLOIS
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     |   Le 
30 janvier 1945, le Wilhelm Gustloff, ancien paquebot de croisière allemand, est 
coulé par un sous-marinier russe, non loin de Dantzig.   
   Des milliers de réfugiés fuyant l’avancée de l’Armée rouge avaient 
  pris place à bord de celui que l’on avait reconverti en navire de guerre. On ne 
  sait pas exactement le nombre d’entre eux, les estimations varient entre 6.000 
  et 9.000, dont plus de 4.000 enfants. Seules quelques centaines de personnes survivront, 
  majoritairement des hommes, y compris quatre des cinq commandants qui auront réussi 
  à trouver place dans les canots de sauvetage en nombre insuffisant. Et bien qu’il 
  s’agisse de la plus grande catastrophe maritime, plus meurtrière encore que celle 
  du Titanic, ce fait historique a été occulté jusqu’à ce jour de la mémoire collective 
  tant par les Allemands que par les Soviétiques. Le 30 janvier, c’est aussi le jour de l’arrivée au pouvoir de 
  Hitler en 1933 et l’anniversaire de naissance du « Martyre ». Des anniversaires 
  que l’on veut oublier. Mais c’est aussi celle du narrateur, né au cours du naufrage 
  même, alors que sa mère sera l’une des rares rescapées. C’est le 4 février 1936 
  que le juif dénommé David Frankfurter assassina le nazi Wilhelm Gustloff. Ce dernier 
  fut alors élevé au rang de « Martyre » du troisième Reich. C’est ainsi que le 
  bateau de croisière « sans classes », destiné à offrir des vacances sur les eaux 
  norvégiennes aux travailleurs allemands, au nom du slogan « La force par la joie 
  », fut baptisé Wilhelm Gustloff. Cinquante ans plus tard, un jeune adolescent néonazi qui se cache 
  derrière un site Internet destiné à la gloire du Wilhelm Gustloff, le navire, 
  comme à celle du « Martyre », exalte le régime nazi. À son tour, il assassine 
  un jeune juif. « Parce que je suis allemand », clamera-t-il. L’Histoire avec un 
  grand H semble avancer en crabe, de même que l’histoire personnelle du narrateur 
  qui termine son récit, également tout en zigzag, par un : « Tout ça ne finit pas. 
  Ça ne finira jamais ». Un livre dérangeant. Pouvait-on s’attendre à moins de la part 
  de l’auteur qui nous a donné Le Tambour ? Günter Grass a reçu le prix Nobel de 
  littérature en 1999.   EN CRABE, de Günter Grass, traduit de l’allemand par Claude Porcell, Paris, 
    Éditions du Seuil, 2002, 263 pages. |